Colloque international « Figures de l’échappée dans la littérature et la philosophie contemporaines : on se fait la belle ? »

CONTACTS

Directrice : Hélène LAPLACE-CLAVERIE

helene.laplace-claverie @ univ-pau.fr   

 

Directrice adjointe : Emilie GUYARD

emilie.guyard @ univ-pau.fr

 

Secrétariat : 05.59.40.73.76

Muriel Guyonneau

 

Ingénieur d'études : 05.40.17.52.88

Anne-Claire Cauhapé (ac.cauhape @ univ-pau.fr)

             

Appui à la Politique de Recherche : 05.59.40.72.36

Marie-Manuelle Marcos (marie-manuelle.marcos @ univ-pau.fr)

 

 

 

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Laboratoire ALTER

Université de Pau et des Pays de l'Adour
Avenue du Doyen Poplawski
BP 1160
64013 Pau cedex

 

Colloque international « Figures de l’échappée dans la littérature et la philosophie contemporaines : on se fait la belle ? » Campus de Pau- Amphithéâtre de la Présidence.

 

Ce colloque s’inscrit dans le cadre d’un projet de coopération transfrontalière entre l’Université des Pays de l’Adour et l’Université de Saragosse (« Habiter le monde, refaire un monde »), et bénéficie du soutien du Fond commun Nouvelle aquitaine/Aragon, ainsi que du projet de recherche espagnol «Racionalidad económica, ecología política y globalización: hacia una nueva racionalidad cosmopolita» (PID2019-109252RB-I00), auquel ses chercheurs sont associés.

 

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Présentation (argumentaire)

Une belle échappée n’est pas tout à fait la même chose que « l’échapper belle », qui signifia tout d’abord le fait de « manquer une balle qui était belle » (1640), une balle rattrapable, dit Le Robert Historique, qui ne précise pas par quel étrange tour la locution en vint à signifier un jour « échapper de justesse à un danger ». L’échappée, dans toute la variété de ses déclinaisons possibles (musicale, picturale, architecturale, sportive), désigne avant toute chose un espace libéré (un interstice, un intervalle, une perspective de ciel ou de lointain) permettant de projeter le regard, mais aussi un écart de conduite, un pas-de-côté, un soubresaut, une disjonction… Un mouvement consistant toujours à échapper à une trajectoire, prendre la tangente, se faire la belle…

Un système D (« D » comme Duchamp), comme celui que propose Paul Audi dans son dernier ouvrage (Troublante identité, 2022) où ce dernier glose l’ingénieux dispositif spatial mis en œuvre par Duchamp pour agrandir visuellement l’espace de son petit appartement parisien en jouant sur les perspectives et les angles de vue créés par le battant d’une porte. Un agencement permettant de « se projeter sur des lignes de fuite et d’émancipation du regard », et figurant surtout, pour Audi, l’expérience salutaire et libératrice d’un « devenir-soi » consistant toujours à différer (s’écarter, s’éloigner, se séparer) de toute assignation identitaire. Le jeu (le mouvement) ainsi créé par cet astucieux dispositif (dont le mot d’ordre « Dada » était aussi de montrer qu’une porte pouvait être à la fois ouverte et fermée) constitue ainsi pour Audi une allégorie de l’échappée individuelle (et spirituelle) en quoi consiste le travail éthique (cette traversée de l’existence que raconte aussi Paul Audi lui-même dans ce bel essai autobiographique), et met en lumière – ou porte en pleine lumière – la conquête d’un tel espace de liberté et d’indépendance, ou de souveraineté : un désir profond de s’affranchir et de renaître (à soi et au monde), une délivrance, un élan, une ouverture, un « appel à devenir »…

Partant de cette lumineuse allégorie de la délivrance proposée par Audi – et sa matérialisation visuelle opérée par Duchamp –, tentons alors d’en élargir le spectre, et intéressons-nous à la présence de semblables figures (plus ou moins visibles et silencieuses) d’émancipation dans la littérature et la philosophie contemporaines : fuite, esquive, abandon, dérobade, démission, désertion, retraite, recueillement, recul, refuge, subterfuges, exode, plans d’évasion… autant de motifs (ou de dispositifs pratiques) désignant peut-être avant toute chose le désir d’échapper à soi-même et au monde, et de s’extraire (momentanément ou pour toujours) de la communauté humaine…  L’échappée, comme le sommeil, serait-elle toujours la ressource d’un nouveau commencement, d’un recommencement possible ?

 

C’est ce que suggère par exemple Jean-Luc Nancy pour qui le sommeil figure ce désir de se retirer du monde, se détacher de tout lien dans un espace échappant aux requêtes de la veille, de l’intentionnalité, du projet, du calcul... une (apparente) perte de conscience et de contrôle dans laquelle s’ouvre aussi, pour le philosophe, la possibilité de trouver à nouveau le sens – dans l’ouverture même de cet abandon du sens –, « confiants dans le retour du jour, le retour à soi, à nous – chaque jour différents, imprévus, non doués de significations préalables » (Tombe de sommeil, 2007). Le sommeil est une image figurant ici l’importance (la puissance) d’une telle échappée invisible de la pensée, mais c’est aussi une expérience du corps – qui est pour Nancy le véritable support de la pensée conceptuelle – exprimant à sa manière la réalité sensible d’une échappée (physique autant que psychique) devenue aujourd’hui un véritable enjeu de la pensée contemporaine… Une réalité – carcérale – subtilement mise en relief par François Bégaudeau dans son récent essai Boniments (2023), où l’auteur analyse l’invisibilisation (et l’insensibilisation) de l’échange marchand dans nos vies quotidiennes (« la carte c’est moi »), notre intimité toujours plus grande avec « la centrale » (« elle m’a dans la tête, je l’ai dans la peau ») et des écrans me reliant nuit et jour à ses interfaces connectées et interactives, me chuchotant tous bas que « je ne serai plus jamais seul »... Plus jamais seul dans mes nuits sans sommeil, et plus jamais hors d’atteinte de la grande transformation néolibérale de nos sociétés occidentales et d’une « raison-monde » ayant, pour Pierre Dardot et Christian Laval, étendu son empire (sa logique normative capitaliste, le principe divin de la compétitivité) à toutes les institutions et à tous les domaines de nos existences, remodelant – de manière peut-être irréversible – les comportements et la forme de nos vies elles-mêmes. Comment échapper à cette « cage de fer où nous sommes enfermés » (Ce cauchemar qui n’en finit pas, 2016) ? C’est la question que posent les philosophes faisant apparaître – eux aussi – la nécessité d’une pensée capable avant toute chose de s’extraire d’une réalité sociale et psychique entièrement reconfigurée par « la loi de l’accumulation du capitalisme financier » : alors quels dispositifs, quelles formes textuelles, quelles élaborations conceptuelles s’inventent (ou se réélaborent) aujourd’hui dans la littérature et la philosophie contemporaines pour promouvoir de semblables – et indispensables – échappées d’horizon ? Quels territoires (physiques, intellectuels, sensoriels), et quelles expériences (individuelles ou collectives) autonomes mettent-elles en jeu ?

« Ce n’est pas seulement le privé (ou l’intime) qui est politique – comme on dit aujourd’hui – c’est le désir », écrit Pacôme Thiellement, qui, dans son ébouriffant commentaire-vidéo du film de Tod Browning (Freaks, 1937), livre le secret de ce désir primordial des hommes de s’enfuir, de tout quitter pour rejoindre la troupe du cirque itinérant (https://www.youtube.com/watch?v=hmylgWaFbk4&t=1s): combattre, en soi-même, le désir de la norme et notre soumission à « l’idée fausse d’une humanité stéréotypée, hiérarchisée », échapper à la comédie sanglante du « Norm show » qui consacre aujourd’hui sur nos écrans (et dans nos vies) la compétition, l’inégalité, et le spectacle de la domination… « Nous voulons être des freaks », poursuit Thiellement, pour qui ce désir est au fondement de ce que l’art a donné de plus beau ces 50 dernières années (de Fellini a Zappa, en passant par V. Herzog, Lars Von Trier, Topor, Mocky, etc.) ; un désir (politique) qui aura donné vie à l’un des plus beaux personnages de la littérature moderne, Horacio Oliveira (alias Julio Cortázar), l’écrivain nomade, amoureux, anticonformiste (et révolutionnaire) en guerre contre la prison du langage… (Rayuela, 1963)

Et si ce désir animait aussi – plus ou moins secrètement – de semblables aventures libératrices dans la littérature, et plus précisément dans l’écriture? « S’extraire de la langue collective » pour défaire (et dénaturaliser) un ordre de domination cristallisé et solidifié dans la langue commune (S. Lucbert),  passer au crible les leurres de la domination capitaliste dans la langue (F. Bégaudeau)… sont ainsi quelques-unes des tentatives contemporaines renouant peut-être avec l’utopie bathésienne d’une langue « hors pouvoir », et la vigueur d’une pensée critique entièrement vouée à déjouer la prétention de vérité (et la puissance assertive) de ces discours répétés dans l’innocence, la naturalité et la bonne conscience qui caractérise l’idéologie dominante. Mais l’échappée n’est-elle pas aussi un motif puissant de l’écriture fictionnelle où apparaît désormais en filigrane la question de la possibilité (ou de l’impossibilité) d’échapper au capitalisme, et d’ouvrir (en soi) « un lieu absolument irréductible à l’économie » qui ravage nos vies et nos cœurs (Y. Haennel, Le trésorier-payeur, 2022) ? Quel sens donner à ces échappées individuelles (et spirituelles) où l’isolement, la réclusion, la solitude, et parfois même la conversion (au christianisme) semblent proscrire la possibilité d’une émancipation collective (Haennel, Bégaudeau)? S’écarter, faire un pas-de-côté, se retirer du jeu (de la compétition mondialisée) c’est aussi ce que fait valoir par exemple la philosophe Barbara Stiegler dans son récit-journal (Du cap aux grèves, 2020), opposant à la temporalité néolibérale (de l’accélération et l’optimisation des rendements) le droit au retrait et à l’isolement. Dans ce livre, qui raconte aussi l’immersion de la philosophe dans l’action collective, la grève figure alors la possibilité retrouvée d’un repli (physique autant que psychique) dans un espace libéré des impératifs mortifères de la compétition (la mobilité et l’innovation), où la pensée (l’écriture et la lecture) ne soit plus un antonyme de l’action (pratique), et où nos solitudes – et nos corps – retrouvé-e-s réapprennent à « habiter le même espace », se croisent, s’étreignent, se regardent, s’éloignent, s’émeuvent, se réinventent…

 

On se fait la belle : mode d’emploi (axes et perspectives)

Individuelle ou collective, visible (spectaculaire, bruyante) ou invisible (spirituelle, silencieuse, clandestine), légère, impromptue, joyeuse, obstinée, difficile, nécessaire… l’échappée sera ainsi envisagée dans la pluralité de ses formes – représentations, manifestations, conceptualisations – possibles dans la littérature et la philosophie contemporaines. Il s’agira ainsi de réfléchir à la mise en œuvre, la signification et la portée (éthique et politique) de ces échafaudages, ou ces « dispositifs d’échappée au fermé de l’époque » (C. Prigent) : quels espaces, quel « envers de soumission » (Michaux) laissent-ils apparaître ? Quelle promesse, quel(s) recommencement(s) possible(s) ? 

 

Ce colloque s’inscrit dans le cadre d’un projet de coopération transfrontalière entre l’Université des Pays de l’Adour et l’Université de Saragosse (« Habiter le monde, refaire un monde »), et bénéficie du soutien du Fond commun Nouvelle aquitaine/Aragon, ainsi que du projet de recherche espagnol «Racionalidad económica, ecología política y globalización: hacia una nueva racionalidad cosmopolita» (PID2019-109252RB-I00), auquel ses chercheurs sont associés.

Il s’adresse à des spécialistes de sciences sociales (philosophie, sociologie, économie) et humaines (littérature, théorie, critique), et pourra porter sur les champs hispaniques (Espagne et Amérique Latine) et français contemporains.

Les langues de communication de ce colloque international seront le français et l’espagnol. Les propositions de communication comporteront un titre, un résumé d’environ 300 mots, ainsi qu’une courte notice biographique. Elles sont à faire parvenir aux organisateurs au plus tard le 25 mars 2023.

 

 

 

 

Rencontre avec Pierre Dardo

Jeudi 13 avril 18h30

 

 

 

 

 

 

 

Contacts organisateurs:

Corinne Ferrero (UPPA) corinne.ferrero @ univ-pau.fr

Juan Manuel Aragüés (UNIZAR) aragues @ unizar.es

 

Pages web du projet:

https://alter.univ-pau.fr/fr/activites-scientifiques/manifestations-scientifiques/colloques/colloque-creer-le-present-imaginer-l-avenir.html

https://una-editions.fr/consortium/dissidences-disidencias/

 

Bibliographie.

 

Almeida, Eugenia, Inundación, Córdoba (Argentina), Ediciones Document A/Escénicas, 2019.

Aragüés, Juan Manuel, Désir de multitude, Presses universitaires de Pau et des Pays de l’Adour, « Dissidences/Disidenci@s » 1, Pau, 2021.

Audi, Paul, Curriculum, Paris, Verdier, 2019.

_ Troublante identité, Paris, Stock, 2022.

Barthes, Roland, Le Neutre, Cours au Collège de France (1977-1978), Paris, Seuil, IMEC, 2002.

 _ Leçon, Paris, Ed. Seuil, 1978.

Bégaudeau, François, Boniments, Paris, Ed. Amsterdam, 2023.

 _ Un enlèvement, Paris, Verticales, 2020.

  _ En guerre, Paris, Verticales, 2018.

Pierre Dardot, Christian Laval, La nouvelle raison du monde. Essai sur la société néolibérale, Paris, La Découverte, 2009.

 _  Ce cauchemar qui n’en finit pas, Paris, La Découverte, 2016.

 _ Dominer. Enquête sur la souveraineté de l’État en Occident, Paris, La Découverte, 2020.

Gefen, Alexandre, La littérature est une affaire politique, Paris, Ed. de l’Observatoire, 2022.

Haennel, Yannick, Notre solitude, Paris, Les échappés, 2021.

_ Le trésorier-payeur, Paris, Gallimard, 2022.

Lucbert, Sandra, Le ministère des contes publics, Paris, Verdier, 2022

 _ Personne ne sort les fusils, Paris, Seuil, 2020.

Nancy, Jean-Luc, Tombe de sommeil, Paris, Galilée, 20

 _ La peau fragile du monde, Paris, Galilée, 2020.

 _ Cruor, Paris, Galilée, 2022.

Pachet, Pierre, Nuits étroitement surveillées, Paris, Gallimard, 1980.

 _ L’âme bridée, Paris, Ed. Le bruit du temps, 2014.

_ Les baromètres de l’âme. Naissance du journal intime, Paris, Le bruit du temps, 2015 [1990]

Prigent, Point d’appui, 2012-2018, Paris, P.O.L., 2019.

Nathalie Quintane, Un hamster à l’école, Paris, La Fabrique, 2021.

Barbara Stiegler, Il faut s’adapter, Paris, Gallimard, 2019.

_ Du cap aux grèves, Paris, Verdier, 2020.

 

 

«Teorema(s) de la escapada (l’échappée): el arte de la fuga en la literatura y la filosofía contemporáneas.»

 


L’échappée designa ante todo en las artes (pintura, música, arquitectura) – y en el deporte –, un espacio liberado (un intersticio, un intervalo, una perspectiva) que permite proyectar la mirada, pero también un desvío, un sobresalto, una disyunción… Un movimiento que consiste siempre en escapar de una trayectoria, salirse por la tangente, darse a la fuga… Un dispositivo como el que Paul Audi pone de realce en su último libro (Troublante identité, 2022) donde analiza el invento imaginado por Duchamp para agrandar visualmente el espacio de su exiguo apartamento parisino jugando con las perspectivas y los ángulos visuales creados por el abrir y cerrar de una puerta intermedia. Un artefacto que permite para él “proyectarse sobre líneas de fuga y de emancipación de la mirada”, y figura sobre todo, en este ensayo autobiográfico, la experiencia salvadora y liberadora de un “devenir-sí” que no consiste sino en diferir (apartarse, alejarse, separarse) constante y afanosamente de toda asignación identitaria. El juego (el movimiento) entre los espacios contiguos abiertos por el ingenioso estratagema de Duchamp (y el desafío “Dada” de hacer que una puerta pueda estar al mismo tiempo abierta y cerrada) constituye así para Audi una alegoría de la échappée individual (y espiritual) propiciada por el trabajo ético (el de afirmación y desafiliación identitaria que cuenta aquí bellamente el filósofo franco-libanés), y arroja una luz cenital sobre el sentido de toda tentativa semejante por conquistar un espacio de libertad y de independencia, o de soberanía: un deseo profundo de liberarse y renacer (ante sí, y ante el mundo), un anhelo, una apertura, un “llamamiento a devenir”…

Partiendo de esta luminosa alegoría libertadora propuesta por Audi – y de su materialización visual ideada por Duchamp – tratemos entonces de ampliar el espectro, e interesémonos en la presencia de semejantes figuras y motivos de emancipación en la literatura y en la filosofía de hoy: fuga, huida, esquiva, abandono, escapada, demisión, deserción, retiro, recogimiento, repliegue, refugio, subterfugio, éxodo, panes de evasión… motivos (y dispositivos prácticos) que tal vez designen ante todo el deseo de deshacerse de todo lazo – consigo mismo y con los demás –, de retirarse (larga o momentáneamente) de la comunidad humana… ¿con la esperanza, o “la confianza sin promesa”, de volver a empezar de nuevo?

Eso es lo que sugiere por ejemplo Jean-Luc Nancy para quien el sueño (el acto de dormir) figura precisamente este deseo profundo de encontrar un espacio liberado de los reclamos de la vigilia, la intencionalidad y la racionalidad calculadora, una (aparente) pérdida de conciencia y de control donde se abre para Nancy la posibilidad de encontrar de nuevo el sentido, “confiados en el amanecer, despertando cada día un poco diferentes, imprevistos, no dotados de significaciones previas” (Tombe de sommeil, 2007). El sueño figura aquí la trascendencia de semejante échappée (fuga o escapada) liberadora del pensamiento, pero es también una experiencia del cuerpo – el verdadero soporte del pensamiento conceptual para Nancy – que tal vez exprese, de manera muy sensible, la creciente dificultad práctica de semejante fuga – física como psíquica – en nuestras vidas contemporáneas… Una realidad – carcelaria – sutilmente puesta de realce por el escritor François Bégaudeau en su ensayo (barthesiano) Boniments (2023), donde el autor analiza la invisibilización (y la insensibilización) del intercambio mercantil en nuestras vidas, y nuestra intimidad creciente con “la central de pago” (“me tiene fichado, la llevo en la piel”), y una pantalla que me relaciona noche y día a sus interfaces conectadas e interactivas, susurrándome que “nunca volveré a estar sólo”… Nunca más sólo en mis noches sin sueño, nunca más fuera de alcance de la gran transformación neoliberal de nuestras sociedades occidentales, y de una “razón-mundo” que, para Pierre Dardot y Christian Laval, ha ido extiendo su imperio (su lógica normativa capitalista, la ley de desgracia de la competitividad) a todas las instituciones, y todas las áreas de nuestras existencias, remodelando – tal vez de manera irreversible – los comportamientos y la forma de nuestras vidas. ¿Cómo escapar de esta “jaula de hierro donde estamos encerrados”? – preguntan los dos filósofos (Ce cauchemar qui n’en finit pas, 2016) poniendo también de realce la necesidad de un pensamiento capaz de extraerse de una realidad social y psíquica enteramente reconfigurada por “la ley del capitalismo financiero”: ¿qué dispositivo(s), qué formas (textuales y/o conceptuales), qué ingeniosos estratagemas se inventan (o se redescubren) hoy en la literatura y en la filosofía para propiciar semejantes échappées (fugas, escapadas)? ¿Qué territorios (físicos, intelectuales, sensoriales) y qué experiencias (individuales o colectivas) autónomas ponen en juego?

“No es muy acertado decir – como se suele decir hoy – que lo privado (o lo íntimo) es político, lo que sí lo es, por sobre todo, es el deseo”, dice el escritor Pacôme Thiellement, quien revela, en su deslumbrante comentario-vídeo de la película de Tod Browning (Freaks, 1937), el secreto de ese deseo primordial de los hombres de darse a la fuga, y escaparse de noche con la tropa de monstruos del circo ambulante (https://www.youtube.com/watch?v=hmylgWaFbk4&t=1s): combatir, en uno mismo, el deseo de la norma, y nuestra sumisión a la idea falsa de una humanidad estereotipada, jerarquizada, que se ha vuelto hoy el reino de la competencia, la injusticia, la humillación. Escapar de la comedia sangrienta del “Norm show”, que consagra en nuestras pantallas (en nuestras vidas) la desigualdad y el espectáculo puro de la dominación… ¿acaso no es ese, aventura Thiellement, el deseo que anima secreta – y poderosamente – lo mejor de la creación artística de los 50 últimos años (de Fellini a Zappa, pasando por V. Herzog, Lars Von Trier, Mocky, etc.)? ¿Acaso no es el que animaba también – 60 años atrás – a Horacio Oliveira (alias Cortázar) en su vida nómada (enamorada, revolucionaria) e inconformista, y su denodada guerra contra el lenguaje (Rayuela, 1963)?

Un deseo reavivado en la literatura (francesa) contemporánea donde aparecen (o reaparecen) semejantes aventuras libertadoras en y por la escritura: “extraerse de la lengua colectiva” para deshacer (y desnaturalizar) un orden de dominación cristalizado y solidificado en la lengua común (Personne ne sort les fusils, 2020); escrutar los tropos narcóticos de la dominación capitalista en el idioma (F. Bégaudeau); metamorfosear las formas textuales (S. Lucbert, N. Quintane)… estas son algunas de las tentativas actuales que parecen querer reanudar con la utopía barthesiana de una lengua “fuera de poder”, y el vigor de un pensamiento crítico obstinado en deshacer la arrogancia (y la potencia asertiva) de los discursos que se repiten en la inocencia, la naturalidad y la buena conciencia que caracteriza la ideología dominante. Pero “darse a la fuga” tal vez sea también un poderoso motivo de la escritura ficcional contemporánea donde aparece a menudo (en filigrana) la cuestión de la posibilidad (o la imposibilidad) de escapar del capitalismo, y abrir (en sí) “un lugar absolutamente irreductible a la economía” que destroza las vidas y los corazones (Y. Haennel, Le trésorier-payeur, 2022). ¿Qué sentido dar a esas échappées individuales (y espirituales) donde el aislamiento, la reclusión, la soledad, y a veces la conversión (al cristianismo) parecen prohibir la posibilidad de una emancipación colectiva (Haennel, Bégaudeau, Audi) ? Apartarse, hacerse a un lado, retirarse del juego (de la competencia mundializada) es también lo que plantea por ejemplo la filósofa Barbara Stiegler en su relato-diario (Du cap aux grèves, 2020) oponiendo a la temporalidad neoliberal (de la aceleración y optimización de los rendimientos) el derecho al retiro, el recogimiento, la soledad… En su libro, que cuenta también la inmersión de la filósofa en la acción colectiva, la huelga (“la grève” que significa también en francés “la playa”) figura la posibilidad (física y psíquica) de retirarse (recogerse, aislarse) y recobrar un espacio liberado de los imperativos mortíferos de la competición (la movilidad, la innovación), donde el pensamiento (la escritura, la lectura) ya no sea el antónimo de la acción, donde nuestras soledades – nuestros cuerpos – recobrados aprendan de nuevo a “habitar el mismo espacio”, se crucen, se estrechen, se alejen, se miren, se conmueven, se reinventen…

 

El arte de la fuga: modo de empleo (ejes y perspectivas).

Individual, colectiva, visible (espectacular, ruidosa) o invisible (espiritual, silente, clandestina), ligera, improvisada, alegre, obstinada, difícil, necesaria… l’échappée (el arte de la fuga) podrá ser aprehendido/a en la pluralidad de sus formas – representaciones, manifestaciones, conceptualizaciones – posibles en la literatura y la filosofía contemporáneas. Se tratará, en el marco de este encuentro, de propiciar una reflexión conjunta e interdisciplinaria (y bilingüe) acerca de la puesta en práctica, la significación y la trascendencia (ética y política) de esos dispositivos, figuras y estratagemas de fuga: ¿qué espacios, o qué “anverso de sumisión” (Michaux) dejan aparecer? ¿Qué promesa?, ¿qué nuevo amanecer?

 

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Este coloquio se inscribe en un proyecto de cooperación transfronteriza entre la Universidad de Pau et des Pays de l’Adour y la Universidad de Zaragoza (“Habitar el mundo, rehacer el mundo”)- y beneficia del soporte del Fondo Común Nueva Aquitania/Aragón, así como del proyecto «Racionalidad económica, ecología política y globalización: hacia una nueva racionalidad cosmopolita» (PID2019-109252RB-I00).

Está dirigido a especialistas de ciencias sociales (filosofía, sociología, economía) y humanas (literatura, teoría, crítica), y concierne prioritariamente (pero no exclusivamente) las áreas hispánicas (España y América Latina) y francesas contemporáneas.

Los idiomas de comunicación serán el francés y el español. Las propuestas de ponencias deberán comportar un título, un resumen de unas 300 palabras, así como una breve nota biográfica. La fecha límite de recepción de las ponencias es el 27 de marzo de 2022.

 

Contacto organizadores:

Corinne Ferrero (UPPA) corinne.ferrero @ univ-pau.fr

Juan Manuel Aragüés (UNIZAR) aragues @ unizar.es

 

Páginas web del proyecto:

https://alter.univ-pau.fr/fr/activites-scientifiques/manifestations-scientifiques/colloques/colloque-creer-le-present-imaginer-l-avenir.html

https://una-editions.fr/consortium/dissidences-disidencias/