Séance 1 - Conférence inaugurale “L’Anthropocène a-t-il un avenir ?”

Catherine Larrère, philosophe de l’environnement et professeur émérite à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, a prononcé la conférence inaugurale du séminaire annuel de la chaire Enjeux écopoétiques contemporains, qui a pour thème cette année « Le futur de l’Anthropocène* ».
La philosophe a d’abord évoqué le terme Anthropocène et les recherches qu'il a suscitées, puis l’engouement des sciences humaines et sociales et de l’écofiction pour ce concept jusqu'à la “collapsologie”, dont elle a critiqué les présupposés intellectuels, pour conclure sur le risque que le terme devienne un mot “tabou” si on ne transforme pas les cadres de notre vision du monde de façon sensible et intelligible.
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* L’Anthropocène est une nouvelle période géologique controversée, qu’on fait généralement commencer avec la Révolution industrielle et dans laquelle le genre humain constitue une “force” géologique car ses actions ont des conséquences durables sur l’écosystème global.
Argumentaire
Suivant la façon dont on comprend cette question, suivant que l’on parle du mot ou de la chose, on peut donner deux réponses diamétralement opposées.
• Si l’on fait référence à la proposition faite, en l’an 2000, par deux scientifiques, Paul Crutzen et Eugene Stoermer, de nommer « Anthropocène » une nouvelle époque géologique, qui en aurait fait la troisième du quaternaire (après le Pleistocène et l’Holocène), la réponse est « non ». Le 6 mars 2024, la sous-commission sur la Stratigraphie Quaternaire (SQS) de l’Union Internationale des Sciences Géologiques a rejeté, à une assez large majorité, cette proposition. Pourtant on continue à parler d’Anthropocène.
• Si l’on fait référence à l’époque elle-même, ainsi désignée, et aux conditions de possibilité de son existence, la réponse est « oui ». Si l’on considère que tel qu’on définit l’Anthropocène, il a environ deux siècles d’existence, et il n’existe que par son avenir, ce qui pose un certain nombre de problèmes, mais laisse toute sa place à l’imaginaire, en en faisant une question d’écopoétique.
Si l’avenir de l’Anthropocène est problématique, la proposition a un passé : nous en présenterons l’historique, celui des débats qu’elle a entraînés, des enjeux qu’elle soulève pour avancer dans la réponse à la question.