Journée d'étude "Un temps des ruines en Amérique (XVIe et XVIIe siècles) ?"

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Laboratoire de recherche ALTER
Arts/Langages : Transitions & Relations - UR 7504
Collège Sciences Sociales et Humanités
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Journée d'étude "Un temps des ruines en Amérique (XVIe et XVIIe siècles) ?"

Organisation : Loann Berens (Université de Caen Normandie), Sabine Forero-Mendoza (Université de Pau et des Pays de l’Adour), Nejma Kermele (Université de Pau et des Pays de l’Adour), Juan Carlos Estenssoro (Université de la Sorbonne Nouvelle).

 

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Si l’âge d’or des ruines fut sans conteste le siècle des Lumières, c’est à la Renaissance que le goût des ruines s’est manifesté pour la première fois en Occident : apparu dans l’Italie du trecento, trois siècles plus tard, il avait gagné l’ensemble du continent[1]. Ce premier « temps des ruines » européen a suscité quantité de travaux de la part de spécialistes de différentes disciplines : histoire, histoire de l’art, archéologie, littérature, les xvie et xviie siècles constituant un champ d’études privilégié.

En Amérique, ce sont les spécialistes des xviiie et xixe siècles et, dans une moindre mesure, ceux de l’époque préhispanique qui se sont intéressés aux ruines. Les historiens de l’archéologie mexicaine, souvent archéologues eux-mêmes, ont ainsi étudié l’attrait que les ruines de Teotihuacan et de Tula exerçaient sur les Mexicas[2]. Le regain d’intérêt archéologique suscité dans l’Europe du xviiie siècle par l’exhumation des sites d’Herculanum et de Pompéi et son prolongement américain ont, là aussi, donné lieu à de multiples travaux aussi bien en Mésoamérique que dans les Andes[3]. Pour le xixe siècle, marqué par les débuts de l’archéologie scientifique, la bibliographie devient considérable. Dans ce panorama, les deux siècles qui ont suivi la conquête espagnole font figure de parent pauvre : on doit se contenter de quelques travaux pionniers[4].

Pourtant, bien avant les archéologues et explorateurs du xixe siècle, bien avant les fouilles de Palenque ou les travaux de l’évêque Baltasar Jaime Martínez Compañón au siècle des Lumières, les premiers Européens qui foulèrent le sol américain furent confrontés aux ruines et aux vestiges du monde préhispanique. Ce sont Pedro Cieza de León à Tiahuanaco, Diego de Landa explorant les ruines mayas du Yucatán ou encore Jerónimo de Mendieta visitant Teotihuacan pour ne citer que quelques exemples. Comme leurs successeurs, ceux-ci emboîtaient souvent le pas des Indiens qui, à l’instar des Mexicas, n’ont pas attendu les conquistadores pour visiter et même fouiller les vestiges des cultures disparues.

Quels regards ces premiers Européens portèrent-ils sur les ruines, vestiges et plus généralement antiquités américains ? Mais aussi : comment l’arrivée des Européens modifia-t-elle le rapport des Indiens aux vestiges de leur passé ?

Répondre à ces questions impose d’abord de s’interroger sur le statut et la valeur des ruines préhispaniques dans l’Amérique de l’époque. Face aux vestiges du passé, écrit Alain Schnapp, « les envahisseurs de toute couleur et de tout poil ont souvent hésité entre deux attitudes contradictoires, la thésaurisation ou la destruction »[5]. Une image tenace soutient que les conquistadores ont le plus souvent choisi la seconde option, à tel point qu’une historiographie pétrie par la Légende noire a pu se désintéresser du sujet, arguant que les premiers Espagnols n’avaient fait que détruire les monuments archéologiques[6]. Si indéniablement, nombre de bâtiments ont été ruinés par la conquête, dans quelle mesure les bâtiments déjà en ruine ont-ils aussi été victime des conquistadores et des extirpateurs d’idolâtries ?

Plusieurs travaux récents se sont intéressés à l’extraction des trésors des sépultures et ruines préhispaniques et nous offrent une porte d’entrée dans ce premier volet. Certains d’entre eux ont même démontré l’existence, sur la côte nord du Pérou, dès le milieu du xvie siècle, d’un véritable « negocio de huacas », réglementé et auquel participaient aussi bien les Européens que les Indiens[7]. Ces travaux imposent d’aborder la valeur économique accordée aux ruines préhispaniques à l’époque, mais ils soulèvent également une série d’interrogations connexes. Les « tesoros » extraits des temples et sépultures préhispaniques, on le sait, occupent une place centrale dans la réflexion sur la restitution au xvie siècle : qu’en est-il des édifices ruinés d’où ceux-ci ont souvent été extraits ? Mais aussi : s’il y eut exploitation et destruction des ruines exista-t-il, à l’inverse, une volonté délibérée de conserver ?

Rappelons encore que nombre de sites ruinés à l’arrivée des Européens étaient pour les Indiens des « ruines vivantes », et qu’ils le demeurèrent parfois pendant des décennies. Souvent liés à la tradition orale, parfois même habités, ils conservaient pour les Indiens une signification que n’avaient plus toujours les ruines antiques pour les habitants du Vieux Monde. D’où l’intérêt que leur portèrent les extirpateurs d’idolâtries[8].

Ensuite, si l’on s’accorde avec Sabine Forero-Mendoza pour reconnaître aux ruines une double valeur, historique et esthétique, deux autres volets s’ouvrent à nous[9]. D’une part, quelle place les ruines et plus largement les traces matérielles du passé occupent-elles dans le processus d’écriture de l’histoire américaine, notamment au côté d’autres sources comme la tradition orale, les codex ou les quipus ? D’autre part, les Européens éprouvèrent-ils une émotion esthétique ou artistique face aux antiquités américaines, à l’instar des soldats de César en Grèce ou, quelques siècles plus tard, des soldats de Bonaparte en Égypte[10] ? Assiste-t-on, comme dans le Vieux Monde, à l’apparition d’un premier collectionnisme ?

Enfin, on l’a dit, la conquête et les guerres qui s’ensuivirent, avec leur lot de destruction, furent à l’origine de nouvelles ruines. Les usages politiques, sociaux et culturels des ruines des guerres contemporaines ont été étudiés par les historiens : quels rapports les habitants du Nouveau Monde entretenaient-ils avec ces « vestiges de la destruction » ?[11]

Voilà quelques-unes des pistes que l’on se propose d’aborder lors de cette première journée d’étude qui se déroulera à l’université de Pau et des Pays de l’Adour, les 19 et 20  novembre 2024. L’objectif, en explorant le regard porté sur les ruines et vestiges dans l’Amérique des xvie et xviie siècles, sera de déterminer s’il a existé un « temps des ruines » américain mais aussi, peut-être, de faire apparaître une modalité américaine des ruines.

Ces réflexions seront poursuivies lors d’une deuxième manifestation scientifique à l’université de Caen Normandie en 2025. Une publication finale permettra de tirer le bilan du projet.

 

Les propositions de communication sont à envoyer avant le 30 juin 2024 à :

Loann Berens – loann.berens @ unicaen.fr

Nejma Kermele – nejma.kermele @ univ-pau.fr

 

 

¿Un tiempo de las ruinas en América (siglos xvi y xvii)?

 

Pau, 19 y 20 de noviembre de 2024

Organización : Loann Berens (Universidad de Caen Normandía), Sabine Forero-Mendoza (Universidad de Pau y de los Países del Adour), Nejma Kermele (Universidad de Pau y de los Países del Adour), Juan Carlos Estenssoro (Universidad de la Sorbonne Nouvelle).

 

Si la edad de oro de las ruinas fue sin lugar a dudas el siglo de la Ilustración, el gusto por las ruinas se manifestó por primera vez en Occidente durante el Renacimiento: surgido en la Italia del Trecento, tres siglos después se había extendido por todo el continente[12]. Este primer “tiempo de las ruinas” europeo dio lugar a una gran cantidad de trabajos de especialistas en diversas disciplinas: historia, historia del arte, arqueología, literatura, siendo los siglos xvi y xvii un campo de estudio privilegiado.

En América, fueron los especialistas de los siglos xviii y xix y, en menor medida, los del periodo prehispánico quienes se interesaron por las ruinas. Los historiadores de la arqueología mexicana, a menudo arqueólogos igualmente, estudiaron la atracción que las ruinas de Teotihuacán y Tula ejercían sobre los mexicas[13]. El renovado interés arqueológico que despertó en la Europa del siglo xviii la exhumación de los yacimientos de Herculano y Pompeya se extendió al Nuevo Mundo y dio lugar también a un gran número de estudios tanto en Mesoamérica como en los Andes[14]. En cuanto al siglo xix, marcado por los inicios de la arqueología científica, la bibliografía es considerable. En este panorama, los dos siglos posteriores a la conquista española aparecen como los parientes pobres: sólo contamos con unos pocos trabajos pioneros[15].

Sin embargo, mucho antes de las expediciones de los arqueólogos y exploradores del siglo xix, mucho antes de las excavaciones de Palenque o de los trabajos del obispo Baltasar Jaime Martínez Compañón en el siglo de la Ilustración, los primeros europeos que pisaron el suelo americano se enfrentaron a las ruinas y a los vestigios del mundo prehispánico. Entre ellos, Pedro Cieza de León en Tiahuanaco, Diego de Landa explorando las ruinas mayas de Yucatán o Jerónimo de Mendieta visitando Teotihuacán, por citar sólo a algunos. Al igual que sus sucesores, estos últimos seguían a menudo los pasos de los indígenas que, a semejanza de los mexicas, no esperaron a los conquistadores para visitar e incluso excavar los restos de las culturas desaparecidas.

¿Cómo apreciaron estos primeros europeos las ruinas, vestigios y antigüedades americanas en general? Y también: ¿cómo la llegada de los europeos transformó la relación de los indígenas con los vestigios de su pasado?

Contestar estas preguntas supone primero considerar el estatuto y el valor de las ruinas prehispánicas en la América de la época. Frente a los vestigios del pasado, escribe Alain Schnapp, “los invasores de toda calaña y condición dudaron a menudo entre dos actitudes contradictorias: atesorar o destruir” [16]. Una imagen persistente afirma que los conquistadores optaron la mayoría de las veces por la segunda opción, a tal punto que una historiografía modelada por la Leyenda Negra desatendió el tema, argumentando que los primeros españoles no hicieron sino destruir los monumentos arqueológicos[17]. Si indudablemente muchos edificios fueron arruinados por la conquista, ¿hasta qué punto los edificios que ya estaban en ruinas fueron también víctimas de los conquistadores y de los extirpadores de idolatrías?

Diversos estudios recientes se han ocupado de la extracción de tesoros de tumbas y ruinas prehispánicas, y nos ofrecen una vía para adentrarnos en esta primera parte. Algunos de ellos han demostrado incluso la existencia en la costa norte del Perú, desde mediados del siglo xvi, de un verdadero “negocio de huacas”, reglamentado y en el que participaban tanto europeos como indígenas[18]. Estos estudios nos obligan a examinar el valor económico que se le atribuía a las ruinas prehispánicas en aquella época, pero también plantean una serie de cuestiones afines. Como es bien sabido, los “tesoros” extraídos de los templos y las tumbas prehispánicas estuvieron en el centro del debate sobre la restitución del siglo xvi: ¿qué ocurre con los edificios en ruinas de donde solían provenir los “tesoros” en esta reflexión? Otra pregunta: si las ruinas fueron explotadas y destruidas, ¿hubo, por otra parte, una voluntad deliberada de conservarlas?

Recordemos también que muchos de los sitios en ruinas a la llegada de los europeos eran “ruinas vivas” para los indígenas, y que a veces siguieron siéndolo durante décadas. A menudo vinculados a la tradición oral, a veces incluso habitados, conservaban para los habitantes autóctonos un significado que las ruinas antiguas ya no siempre tenían para los habitantes del Viejo Mundo. De ahí el interés que mostraron por ellos los extirpadores de idolatrías[19].

En segundo lugar si, tal como lo hace Sabine Forero-Mendoza, le reconocemos a las ruinas un doble valor, histórico y estético, cabe considerar dos otros aspectos[20]. Por un lado, ¿qué lugar ocupan las ruinas y, más ampliamente, las huellas materiales del pasado en el proceso de escritura de la historia americana, particularmente en relación con otras fuentes como la tradición oral, los códices y los quipus? Por otro lado, ¿sintieron los europeos una emoción estética o artística al enfrentarse a las antigüedades americanas, al igual que los soldados de César en Grecia o, unos siglos más tarde, los soldados de Bonaparte en Egipto[21]? ¿Surge en aquella época, como en el Viejo Mundo, una primera forma de coleccionismo?

Por último, como ya se ha dicho, la conquista y las guerras que la siguieron, con su parte de destrucción, produjeron nuevas ruinas. Los historiadores han estudiado los usos políticos, sociales y culturales de las ruinas de las guerras contemporáneas: ¿qué relación mantenían los habitantes del Nuevo Mundo con estos “vestigios de la destrucción”?[22]

Estas son algunas de las cuestiones que se abordarán en esta primera jornada de estudio, que se celebrará en la Universidad de Pau y de los Países del Adour los 19 y 20 de noviembre de 2024. Al explorar el modo en que se apreciaban las ruinas y los vestigios en la América de los siglos xvi y xvii, el objetivo será intentar determinar si existió un “tiempo de las ruinas” americano y también, tal vez, sacar a la luz una modalidad americana de las ruinas.

Estas reflexiones proseguirán en un segundo evento científico en la Universidad de Caen Normandía en 2025. Una publicación final ofrecerá un balance del proyecto.

 

Se ruega enviar las propuestas de comunicación antes del 30 de junio de 2024 a :

Loann Berens – loann.berens @ unicaen.fr

Nejma Kermele – nejma.kermele @ univ-pau.fr

Bibliographie / Bibliografía

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Aranda, Luis Manuel (2015), « Referencias etnohistóricas sobre Chavín de Huántar (1551-1656). Recopilación y comentario », Arqueología y sociedad, 30, p. 27-37, URL : https://revistasinvestigacion.unmsm.edu.pe/index.php/Arqueo/article/view/12253/10959https://revistasinvestigacion.unmsm.edu.pe/index.php/Arqueo/article/view/12253/10959

Baudez, Claude-François, Picasso, Sydney (2008 [1987]), Les Cités perdues des Mayas, Paris : Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard », 2e éd.

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Schnapp, Alain, Une Histoire universelle des ruines : des origines aux Lumières, Paris

 

[1] Forero-Mendoza, 2002, p. 13.

[2] López Luján, 1989 ; Id., 2017 ; De la Fuente, 1990.

[3] Fernández Murga, 1989 ; Almagro Gorbea, Maier Allende, 2012. Concernant le versant américain citons, entre autres : Cabello Carro, 1992 ; Id., 2012 ; Rivasplata Varillas, 2015-2016.

[4] Baudez, Picasso, [2008] 1987 ; Alcina Franch, 1988 ; Id., 1995, chap. 3 ; López Luján, 2001 ; Schnapp, 2020b consacre également quelques pages à l’Amérique espagnole.

[5] Schnapp, 2020a [1993], p. 9.

[6] Alcina Franch, 1995, p. 12.

[7] Danwerth, 2001 ; Delibes Mateos, 2012.

[8] Aranda, 2015.

[9] Forero-Mendoza, 2002, p. 10.

[10] Schnapp, 2020a [1993], p. 110.

[11] Danchin, 2015 ; Michonneau, 2020 [2017].

[12] Forero-Mendoza, 2002, p. 13.

[13] López Luján, 1989 ; Id., 2017 ; De la Fuente, 1990.

[14] Fernández Murga, 1989 ; Almagro Gorbea, Maier Allende, 2012. Concernant le versant américain citons, entre autres : Cabello Carro, 1992 ; Id., 2012 ; Rivasplata Varillas, 2015-2016.

[15] Baudez, Picasso, [2008] 1987 ; Alcina Franch, 1988 ; Id., 1995, chap. 3 ; López Luján, 2001 ; Schnapp, 2020b consacre également quelques pages à l’Amérique espagnole.

[16] Schnapp, 2020a [1993], p. 9.

[17] Alcina Franch, 1995, p. 12.

[18] Danwerth, 2001 ; Delibes Mateos, 2012.

[19] Aranda, 2015.

[20] Forero-Mendoza, 2002, p. 10.

[21] Schnapp, 2020a [1993], p. 110.

[22] Danchin, 2015 ; Michonneau, 2020 [2017].