Journée d'étude "Traduire le double langage : double jeu et double sens"Salle du Conseil - Bâtiment Lettres
Le 26 nov. 2021
Souvent associée au politiquement et socialement correct, la « langue de bois », communément perçue comme un discours reposant sur des clichés, manifeste toutefois l’obliquité, voire la duplicité langagière. Elle utilise des tournures que l’on peut retrouver non seulement dans les échanges quotidiens, dans les médias mais aussi dans le discours littéraire à travers les euphémismes, les sous-entendus et les allusions. Ces procédés révèlent une forme d’hypocrisie langagière qui tend à donner une image incomplète et fallacieuse du locuteur. Ils relèvent d’une duplicité déjà présente chez Plaute, chez le personnage du Miles gloriosus ou encore dans la littérature espagnole du Siècle d’Or qui accorde une place de choix à l’idéologie baroque et aux discours sur les apparences, le mensonge et les faux-semblants. Le double sens est ainsi parfois le garant de l’honneur de certains personnages féminins qui se déclarent à demi-mot. Ces textes exploitent habilement la polysémie de certains substantifs pour le plus grand plaisir du lecteur averti qui en perçoit toutes les nuances, nuances dont le traducteur devra se faire le passeur. De la même façon, jeux de mots et mots d’esprit traduisent souvent un souci jubilatoire de séduire ou de jouer avec le verbe, ce qui nous renvoie à la notion de wit en anglais, et leur traduction dans une autre langue peut elle-même conduire à une perte de leur foisonnement sémantique. On pourra ainsi s’intéresser à la traduction des double entendre, expression anglaise qui met en exergue la réception du double message, dont la connotation est généralement sexuelle. La perte de sens, l’entropie, est le risque encouru dans d’autres formes de représentations telles que le cinéma, le théâtre ou la musique où le double langage peut revêtir une fonction d’atténuation, lorsque la teneur du propos s’avère trop violente. Dans ce cas, le traducteur peut être tenté de ménager le destinataire de son travail. Lorsque la langue parle crûment, comment traduire la crudité de certains mots ou expressions sans recourir à l’atténuation au risque de tomber dans une sorte d’hypocrisie sémantique, qu’il s’agisse des sous-titres d’un film ou des paroles d’un chanteur de rap? Hypocrite traducteur, double infidèle du locuteur qui cède à l’autocensure et aux sirènes apaisantes de la « langue de bois… » La traduction des phénomènes langagiers fondés sur l’implicite et le double jeu, et la transition vers une autre langue risquent de réduire leur charge sémantique. Le but de la journée d’étude est de réfléchir aux stratégies mises en place par les traducteurs pour traduire aussi bien un mot d’esprit dans le texte de Shakespeare que les titres d’articles de magazines et de journaux qui, par exemple, comprennent des jeux de mots et des paronomases ou des allusions à un intertexte culturel très étendu : « Lost or (gained) in translation », tel était le titre d’un article de The Economist (édition du 30 mars 2012), sur le « micro-blogging » dans plusieurs langues. Le cinéma offrira d’ailleurs d’intéressants cas pratiques : pensons notamment au film de Cédric Klapish, L’auberge espagnole, dont la richesse expressive peine à être perçue dans sa traduction espagnole Una casa de locos. C’est donc bien à la traduction en tant que pratique que nous nous intéressons ici, ce qui n’exclut pas une réflexion théorique sur les solutions que doivent élaborer les traducteurs confrontés au double jeu du langage, à son double sens, voire à ses sens multiples.
Pistes de réflexion :
- Etude de cas pratiques de traduction, analyse des problèmes et propositions de solutions
- Etudes comparées de textes sources et de leur(s) traduction(s)
- Travail sur des bases lexicologiques
- Domaines : langue parlée et écrite, langue des médias, littérature, cinéma, théâtre, chansons, bande dessinée.
Les communications seront en français mais les langues étudiées seront l’anglais et les langues romanes.
Merci d’envoyer votre proposition (300 mots) avant le 15 septembre 2021 à Françoise Buisson (francoise.buisson@univ-pau.fr) et à Blandine Daguerre (blandine.daguerre@univ-pau.fr)