Séminaire sur les formes de mémoire 1Amphithéâtre de la Présidence
Le 20 sept. 2024
Invités : Delphine Edy et Dominique Viart
Delphine Edy - Université de Strasbourg – ACCRA - Membre associée de l’Observatoire des écritures contemporaines (Paris Nanterre)
"Détour par la fiction dans les œuvres mémorielles sur la scène contemporaine "
Le théâtre, art du vivant et donc du présent par excellence, fait pourtant du passé son terrain de jeu : exception faite de la performance qui se construit dans le présent de la scène, la recréation d’un texte du répertoire ou la création scénique d’une écriture contemporaine s’inscrit dans une histoire du jeu et des mises en scène, souvent dans l’Histoire, et, à ce titre, convoque différents types de mémoire – des « mémoires intérieures » aux « mémoires collectives » –, tout en s’interrogeant sur les enjeux de « transmission » et d’ « oubli »[1]. Selon Didier Plassard, le théâtre serait même l’« un des instruments privilégiés au moyen desquels les sociétés humaines s’efforcent de nouer le présent au passé[2] ». Cette vocation mémorielle du théâtre contemporain a d’ailleurs été largement convoquée par la recherche actuelle, qu’il s’agisse d’études sur les manières de faire entendre les voix des invisibilisés, des oubliés, ou sur le théâtre documentaire.
Dans la lignée du récent numéro sur les Vertus mnémoniques du théâtre[3] qui s’est employé à dégager la capacité du théâtre à représenter et à jouer avec la mémoire individuelle ou culturelle, il s’agira dans mon propos d’interroger plus spécifiquement la place de la fiction dans les œuvres mémorielles au théâtre. À partir de spectacles qui s’écrivent à même le plateau ou d’écritures contemporaines, je montrerai qu’en mobilisant l’imaginaire (dont les procédés relèvent de ceux que Dominique Viart se propose d’analyser dans son propos sur les récits : falsification, fictionnalisation, réagencements et déplacements…), le théâtre modifie les frontières entre mémoire et Histoire. En débordant du cadre historique non-fictionnel, le théâtre devient le lieu d’élaboration d’une écriture (textuelle, scénique, visuelle…) qui permet de renouer avec le passé et d’engager un rapport plus sensible, et peut-être plus juste, (plus vrai ?), que les seules archives. Comme si les traces devaient toujours être perçues comme des objets de mémoire à revisiter.
[1] Marie-Christine Autant-Mathieu, « Le théâtre hanté par la mémoire ou plongées dans la profondeur trouble du jade », dans Mémoires en jeu, 22.02.2019 [en ligne : https://www.memoires-en-jeu.com/varia/le-theatre-hante-par-lamemoire-ou-plongees-dans-la-profondeur-trouble-du-jade/].
[2] Didier Plassard, « La scène peut-elle être un lieu de mémoire ? », dans Vincent Amiel et Gérard-Denis Farcy (dir.), Mémoire en éveil. Archives en création. Le point de vue du théâtre et du cinéma, Vic La Gardiole, L’Entretemps éditions, 2006, p. 15.
[3] Anne Teulade, Audrey Giboux, Gaëlle Debeaux et Charline Pluvinet, Vertus mnémoniques du théâtre, numéro de Comparatismes en Sorbonne, 14, 2023 [en ligne : http://www.crlc.parissorbonne.fr/FR/Page_revue_num.php?P1=14].