Sea More Blue : approches écopoétiques et interdisciplinaires de la mer et des océans10e Congrès d’EASLCE European Association for the Study of Literature, Culture, and the Environment
Du 17 juin au 20 juin 2024
Sous l’égide d’OIKOS, CRESEM, UPVD
Avec la participation et le soutien d’ALTER
Responsable scientifique:
- - Bénédicte Meillon, OIKOS-CRESEM, Vice-Présidente d’EASLCE
Conférences plénières
- - Ben de Bruyn
- - Sidney Dobrin
- - François Sarano
- - Melody Jue
Artiste invitée
- - Allison Adelle Hedge Coke
Argumentaire
Depuis le tournant du XXIe siècle, les enjeux inhérents au changement climatique se sont avérés indissolubles des menaces qui pèsent sur les milieux côtiers et marins. Les scientifiques partout dans le monde ont mis en évidence combien le réchauffement planétaire est entremêlé avec les phénomènes d’élévation des températures et du niveau de la mer, avec l’acidification des océans, l’effondrement des populations halieutiques, le blanchissement des récifs coralliens et le nombre croissant d’espèces marines en voie d’extinction. Nous en sommes venu.e.s à reconnaître que l’avenir de la Terre, une planète bleue avant tout, et de tou.te.s ses habitant.e.s, a partie intimement liée avec le bleuissement des esprits. Dans la cadre du 10ième congrès bi-annuel qui se tiendra près de la Méditerranée, dans le Sud de la France, il semble opportun de convier artistes et universitaires d’horizons distincts à adjoindre leurs efforts à ceux des collègues de l’Université de Perpignan Via Domitia (UPVD) qui se sont engagé.e.s dans un vaste programme de recherche interdisciplinaire intitulé Sea More Blue. Impliquant des disciplines multiples, le projet Sea More Blue—au titre délibérément poétique et grammaticalement trouble—appelle à se départir de cadres théoriques et conceptuels à la fois anthropocentriques et enracinés dans la terre. L’objectif principal de ce projet transversal est de s’aventurer dans des dimensions de l’expérience et des savoirs largement inexplorées, afin de révéler et promouvoir des manières de percevoir le monde et de vivre plus bleues, permettant peut-être de répondre en partie à l’urgence de la situation.
Dans le sillage du tournant bleu ayant récemment marqué la recherche en écocritique (un tournant ayant également marqué le vaste champ des humanités écologiques, jusqu’alors majoritairement centrées sur des questions vertes), divers projets transdisciplinaires ont fait surface qui attirent notre attention sur les profondeurs insondables des écosystèmes marins et sur les enjeux brûlants qui en découlent. Pour mieux voir le monde en bleu et préserver la santé des océans et des mers sur le long terme, il nous faut puiser inspiration dans la créativité et la circulation exubérantes de la matière, des êtres et des récits, dans cette grande masse d’eau qui évolue de façon dynamique à travers le monde entier et depuis la naissance de notre Terre-Mère symbiotique.
Rien ne saurait enfermer les océans et les mers. Par d’innombrables entrelacements, les océans et les mers sont reliées à la terre, aux bassins versants, aux rivières, aux nappes phréatiques, et même au ciel, à la lune et au soleil. L’eau des mers connaît des fluctuations au gré de phénomènes atmosphériques, gravitationnels et de variations des températures qui régulent les marées, les courants, le climat, ainsi que les cycles de l’eau, enchevêtrant ainsi les humains et toutes les formes de vie terrestres et marines dans la grande toile bleu-vert du vivant. En remontant à la source de ces courants bleus qui coulent jusque dans nos veines, il est grand temps de prêter attention à la perméabilité et la fluidité, aux forces d’attraction et à la labilité qui caractérisent aussi les différentes catégories, les champs de recherche, épistémologies et productions culturelles jusqu’ici cartographiés par le monde universitaire. Alors que les frontières entre tous ces domaines longtemps cloisonnés s’avèrent significativement poreuses, en particulier du point de vue des humanités et des arts écologiques, des spécialistes évoluant dans des disciplines très variées ont entrepris de reconnecter différents types de savoirs et de s’emparer d’une multiplicité de prismes pour appréhender le vivant.
OIKOS, l’équipe de l’UPVD dédiée à une écopoétique interdisciplinaire, a mené ces dernières années des travaux et publications croisant diverses approches de problèmes naturels et culturels à travers le prisme kaléidoscopique du réenchantement. Pour étudier plus particulièrement les façons complexes, merveilleuses, mais aussi effrayantes, dont la substance et les formes marines sont animées, dotées d’agentivité et intriquées avec les activités, les corps et les récits des humains, ce congrès vise à promouvoir des approches bleues tressant l’écopoétique avec les humanités et les sciences. Ce 10ième symposium d’EASLCE se propose d’étudier les récits, les performances, les actions, les pratiques, les politiques et les productions artistiques qui participent d’une restauration des liens partiellement rompus entre formes de vie et milieux marins et terrestres.
Nous invitons en priorité les intervenant.e.s à penser et performer avec des êtres, des œuvres, des éléments et des lieux marins du grand large jusqu’au littoral. Pourra être étudiée la valeur de l’ecopoïesis ancrée dans des lieux liminaux telles les lagunes et les zones côtières, qui forment des écotones, ou des zones de contact mi-terrestres, mi-aquatiques. On pourra éventuellement se pencher sur des rivières, des fleuves ou des bassins versants qui font déjà affluer une écopoétique bleue plus subtilement connectée aux mondes marins et qui nous intiment déjà des changements de paradigmes découlant de ces autres types d’écotones. Enfin, il pourrait s’avérer intéressant d’étudier des lieux liés à la mer dans une perspective plus diachronique, soit des endroits qui furent jadis submergés et dont l’eau s’est retirée au cours du temps, laissant derrière elle des traces d’une histoire ancienne et bleue qui nous invite à poser un regard radicalement différent sur des zones désertiques, des forêts ou des plaines à présent envisagées comme étant aux antipodes des milieux marins.
On pourra se focaliser sur des rencontres et des formes de communication interspécifiques susceptibles de vaincre l’aliénation dont souffrent les formes de vie et les milieux bleus. Cette aliénation tient en partie à notre manque de familiarité avec la mer et ses habitants, à leur apparence souvent étrange pour nous, à notre manque d’accessibilité à eux. Il pourra être utile de confronter des approches matérielles de l’évolution, de la constitution et de la dépendance des humains envers la mer avec les récits mythiques de mondes marins qui ont longtemps façonné notre perception, nos représentations et les façons de vivre des mammifères conteurs et terrestres que nous sommes. L’étude de groupes et de sous-cultures partageant un ensemble de pratiques, de récits et de valeurs liées à la mer pourrait par ailleurs aider à mieux cerner ce que d’aucun.e.s pourraient appeler des spiritualités bleues. Seront particulièrement bienvenues les communications portant sur des productions écopoét(h)iques (qu’elles soient contemporaines ou anciennes, et qu’il s’agisse de littérature, de cinéma, de roman graphique ou bande dessinée, de danse, de musique, de théâtre, de sculpture, de peinture, de photographie ou de jeux vidéo par exemple) qui déconstruisent et réinventent nos imaginaires et nos récits traitant du devenir de la mer et de l’humanité.
En outre, les scientifiques dont le terrain implique un engagement corporel et affectif avec leur objet d’étude sont invité.e.s à réfléchir aux changements induits dans leur perception de « l’environnement » qu’ils et elles sont censé.e.s étudier en toute objectivité. Ces mêmes scientifiques pourront s’interroger sur l’impact potentiel d’une telle implication personnelle sur leurs méthodes de recherche et de communication scientifique. Parallèlement, les communications auscultant le régime de vérité des productions écopoétiques en des termes permettant d’articuler des réalités écologiques, biologiques, géologiques et éthologiques seront particulièrement appréciées. Il sera notamment crucial de mettre en lumière les spécificités des paysages immergés. Ceux-ci sont à appréhender à l’aune de géographies sous-marines, en prêtant attention aux paysages sonores, olfactifs et haptiques qui génèrent des manières de percevoir, de se mouvoir et de communiquer proprement extra-terrestres et ainsi difficiles à saisir pour nous autres humains. On pourrait alors tenter de mesurer la profondeur des différentes dimensions par le truchement desquelles les expérimentations écopoétiques ont pour dessein de révéler des façons sous-marines d’habiter le monde. A l’inverse, on pourra également dévoiler comment certaines œuvres offrent au contraire des visions qui s’avèrent problématiques à la fois parce qu’elles sont sérieusement éloignées des réalités qui composent les mondes bleus, et parce qu’elles tendent à entretenir des illusions anthropocentriques qui vont encore dans le sens du désenchantement et de la surexploitation des ressources pourtant en quantités limitées.
L’une des questions centrales de ce colloque portera sur le potentiel des arts pour créer des expériences immersives susceptibles d’augmenter, ou de réduire, notre capacité à voir et sentir de façon plus bleue. Par ailleurs, les penseurs et penseuses qui travaillent avec les savoirs écologiques traditionnels (TEK) peuvent contribuer à une meilleure compréhension de la subtilité avec laquelle les récits, les pratiques et les rituels des peuples premiers sont bien souvent informés par une observation empirique qui ruisselle jusque dans leurs productions écopoétiques. En fin de compte, ce symposium ambitionne de démontrer le rôle majeur qui revient à la littérature et aux arts pour faire évoluer les paradigmes éminemment terrestres élaborés en premier lieu par les humains pour explorer le monde. Nous entendons démontrer qu’un tel changement de paradigmes et plus susceptible d’advenir lorsque les arts et les humanités s’avèrent imprégnés par les sciences et vice versa. De façon tout aussi essentielle, cela semble également vrai lorsque les savoirs occidentaux se constituent en dialogue avec les savoirs traditionnels.
Informations générales
Les propositions pourront correspondre à des communications standard de vingt minutes ou bien prendre la forme d’ateliers prédéfinis avec trois ou quatre contributions associées. On envisagera la possibilité d’accueillir des formes de communication plus créatives ou s’inscrivant dans la recherche narrative. Les propositions (300-400 mots) sont à envoyer pour le 15 septembre 2023 au plus tard à seamoreblue.easlce @ gmail.com. Les retours du comité scientifique sur les propositions seront transmis vers le 15 novembre 2023.
Les frais d’inscription seront calculés et communiqués au moment de la publication des résultats de la sélection par le comité scientifique, avec des tarifs préférentiels pour les membres d’EASLCE et des associations-sœurs (ASLE et autres branches de la même organisation), pour les membres associé.e.s d’OIKOS, pour les inscriptions précoces (avant le 15 novembre) et pour les jeunes chercheureuses et personnes sans financement.
Biblographie sélective
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