Livres d'artistes pour enfants, d'hier à aujourd'hui
Du 27 oct. au 22 nov. 2022
L’exposition présentée à la bibliothèque universitaire de Pau du 2 au 13 mars 2020 proposait de découvrir une partie de sa collection de livres d’artistes. Parmi les soixante-dix œuvres exposées figuraient des livres d’El Lissitzky, de Bruno Munari, d’Enzo Mari, de Warja Lavater, de Katsumi Komagata, de Louise-Marie Cumont, de Marion Bataille, autant d’artistes qui ont placé l’objet livre au cœur de leur création.
L’exposition a été réalisée sous le commissariat de Julia Mervin (médiathèque André Labarrère) avec l’appui d’Isabelle Guillaume (ALTER), de Delphine Sinic, Philippe Vuilleumier et Renaud Massonnet (bibliothèque universitaire).
Visite en neuf œuvres emblématiques
La médiathèque André Labarrère a permis aux visiteurs de la bibliothèque universitaire de découvrir une partie de sa collection de livres d’artistes pour la jeunesse à travers une sélection d’œuvres de créateurs – peintres, photographes, graphistes, designers, plasticiens – qui, à la croisée de l’art et de la pédagogie, se sont saisis du livre comme d’un moyen d’expression pour explorer le langage des matières, des couleurs et des formes. Parmi les soixante-dix œuvres exposées figuraient des livres d'El Lissitzky, de Bruno Munari, d'Enzo Mari, de Warja Lavater, de Katsumi Komagata, de Louise-Marie Cumont, de Marion Bataille, autant d'artistes qui ont placé l'objet livre au cœur de leur création.
Histoire de deux carrés en six constructions d'El Lissitzky
Architecte et typographe, Lissitzky est né en 1890. En 1918, il est invité à l'école d’art révolutionnaire créée par Chagall à Vitebsk, dans l'actuelle Biélorussie. C'est là que ce fervent partisan du communisme soviétique a conçu Histoire de deux carrés en six constructions, livre emblématique du « suprématisme », c'est-à-dire de l'abstraction géométrique telle que l'a théorisée Malevitch. Dans ce livre-manifeste dont la palette est limitée au rouge, au noir et au blanc, Lissitzky fait s'affronter un carré rouge et un carré noir au milieu de formes géométriques en mouvement. L'exemplaire exposé est la réédition réalisée en 2013 par l'éditeur nantais MeMo sous la forme d'un livre cartonné intitulé Les deux carrés.
Nella nebbia di Milano de Bruno Munari
Peintre, graphiste et designer, Bruno Munari est né à Milan en 1907. En 1937, il illustre Il Poema de Vestito di Latte du poète futuriste Filippo Tommaso Marinetti en inventant une mise en page avec une feuille calque entre des feuilles opaques. Il transpose ce dispositif en 1956 dans Nella notte buia (Dans la nuit noire) et, en 1968, dans Nella nebbia di Milano (Dans le brouillard de Milan) qui font de lui un pionnier dans le domaine du livre d’artiste pour les enfants. Quand il referme Nella nebbia di Milano, le lecteur a traversé un brouillard dense et épais, puis découvert un cirque coloré en pleine répétition et, enfin, retrouvé, dans le brouillard, le chemin du retour à la maison. L'exemplaire exposé est la réédition publiée en 2002 par les Éditions Seuil jeunesse.
I Prelibri de Bruno Munari
L’une des œuvres majeures de Bruno Munari, I Prelibri, se présente sous la forme d’une petite bibliothèque contenant douze livrets carrés. Réalisés avec des couleurs, des matières et des reliures variées, ceux-ci font découvrir aux enfants l'objet qu'est un livre. « Ces petits livres ne sont que des stimulations visuelles, tactiles, sonores, thermiques, matérielles », explique Munari dans Cosa nasce cosa, « Ils doivent transmettre la sensation que les livres sont ainsi, remplis de surprises variées. La culture est faite de surprises, c'est-à-dire de la découverte de ce que l'on ignorait. Mais il faut être prêt à les recevoir et ne pas les refuser, de peur qu'elles ne fassent s'écrouler les places fortes que nous nous sommes construites. » I Prelibri a été publié en 1980 à Milan par la galerie de Bruno et Jacqueline Danese. L'exemplaire exposé est la première réédition, qui date de 2002, des galeristes et éditeurs d’art Marcia et Maurizio Corraini.
Il Gioco delle favole d’Enzo Mari
Architecte et designer, Enzo Mari est né en 1932, la même année que sa future épouse, Iela, avec laquelle il a imaginé plusieurs livres. Comme Bruno Munari, il a diffusé ses œuvres par le biais de la Danese. C’est cette galerie et maison d’édition milanaise qui a édité en 1965 la première variante d’Il Gioco delle favole (Le jeu des fables). Ce livre-jeu se présente sous la forme de six cartes rectangulaires composées d’une scène centrale et de deux scènes latérales, illustrées avec des animaux et pourvues d’encoches qui permettent de relier les cartes entre elles. C’est ainsi que l’enfant peut construire lui-même différentes « fables » animalières. L’exemplaire présenté dans l'une des vitrines de l'exposition est la réédition publiée en 2005 par les Éditions Seuil jeunesse.
Le Petit Chaperon rouge de Warja Lavater
Graphiste formée à Zurich, Warja Lavater est née en 1913. Avec Le Petit Chaperon rouge, elle offre l'un de ses livres-objets baptisés « imageries » dans lesquels elle réinterprète des contes traditionnels grâce à des symboles qui remplacent les personnages et les lieux. Toutes publiées par le galeriste et éditeur Adrien Maeght, les imageries de Warja Lavater se présentent sous la forme de leporellos (appelés aussi « livres accordéons »). « L'accordéon donne la possibilité de jouer, de sauter là ou là, de rassembler plusieurs pages de façon à lire une suite, de construire son propre livre, plus petit ou plus grand », expliquait Warja Lavater en 1991 dans un entretien donné à La revue des livres pour enfants, « L'ensemble est mobile : cela tient du théâtre ou plutôt de la chorégraphie. J'y ai vu le médium idéal pour suivre une histoire comme on regarderait un film, à cause de ce déroulement fluide qui vous fait passer en douceur d'une image à l'autre." Quand elle est dépliée, la bande de papier lithographiée met en scène le conte par le biais de symboles dont un préambule présente le code. Sur la bande de papier du Petit Chaperon rouge (en haut sur la photographie), une pastille rouge représente l’héroïne, des points verts figurent la forêt. Quant au loup, c’est un rond noir. Le petit Poucet (en bas sur la photographie) a enrichi en 1979 la série des imageries dans lesquelles Warja Lavater réinvente des contes de Charles Perrault et des frères Grimm avec le vœu que « l'image devienne une écriture et que l'écriture devienne image ».
Little Eyes de Katsumi Komagata
« La culture est faite de surprises », expliquait Bruno Munari. L’œuvre de Katsumi Komagata s’inspire de cette conviction. Ce graphiste japonais né en 1953 a commencé à inventer des cartes de jeux visuels à la naissance de sa fille Aï en 1990. Il en a fait les volumes de Little Eyes (Petits yeux), une série réalisée en trois ans et publiée au Japon entre 1990 et 1992. Exposé dans plusieurs vitrines de la bibliothèque universitaire, Little Eyes se présente sous la forme de dix étuis contenant des cartes à sortir et à déplier. Le titre de la série joue sur le double sens de « eye » et « I » qui se prononcent de la même façon en anglais et qui font écho au prénom Aï. Son principe repose sur des pliages et sur des découpes qui produisent d’étonnantes transformations. « Découpes et pliages sont utilisés par Komagata non seulement pour provoquer un effet de surprise, mais pour créer un lien entre plusieurs images. Ainsi, un nuage peut se transformer en vache ou en cochon, ou plus exactement peut être à la fois un nuage, une vache et un cochon », explique l’artiste Sophie Curtil dans le numéro 161 de La revue des livres pour enfants.
Little Tree de Katsumi Komagata
En 2009, avec Little Tree, Katsumi Komagata se sert de la pliure des pages d’un livre pop-up et de son art de la découpe pour faire surgir une succession de métamorphoses. À partir d’un bourgeon, simple triangle, naît un tronc dont les branches, d'abord nues, vont se couvrir de feuilles dans un paysage où des jeux d’ombres suggèrent le passage des saison. La fin du livre ouvre sur le début d’un nouveau cycle avec la disparition de l’arbre et la naissance d’un nouveau bourgeon.
Larmes de Louise-Marie Cumont
Sculpteur et mosaïste, Louise-Marie Cumont est née en 1957. Chacun de ses livres est une pièce unique conçue comme une mosaïque de formes géométriques en étoffes diverses. Dans Larmes, l'artiste fait s’affronter des personnages sur fond de tissu de camouflage évocateur de la guerre. Conçu en 2004 comme une œuvre en tissu cousue à la main en soixante-quinze exemplaires signés, numérotés et diffusés par l'association Les Trois Ourses, Larmes a été publié par MeMo en 2007 sous la forme d'un livre cartonné. Pour parvenir à rendre présent l'effet du tissu, l'éditeur nantais a fait imprimer à part la trame du tissu et ses couleurs.
ABC3D de Marion Bataille
Graphiste, Marion Bataille est née en 1963. En 2004, elle conçoit Op-up, une œuvre composée de dix-huit doubles pages, présentées dans une boîte en carton, qui font surgir les lettres de l'alphabet en trois dimensions. Cette œuvre imprimée en sérigraphie a été diffusée à partir de 2006 en trente exemplaires numérotés et signés. Deux ans plus tard, elle est éditée par Albin Michel sous la forme d'un pop-up cartonné intitulé ABC3D qui a remporté un succès international.
Crédits photographiques : Julie Gallego / Présentation : Isabelle Guillaume